Booo !! Mais Pourquoi la psychiatrie fait-elle si peur ?

The Expert : Florian Misztal
Updated

L’une de mes passions est de m’asseoir sur ce vieux tabouret grinçant au comptoir de mon bar préféré.

Ce bar, l’endroit idéal pour des retrouvailles entre amis autour d’une bière fraiche, peut même devenir un lieu de rencontres.

Il n’est pas rare que je me retrouve à échanger avec l’inconnu de la table adjacente, et lors de ces conversations autour de sujets divers et variés, un sujet revient plus souvent que les autres.

Un sujet, une question. « Et tu fais quoi dans la vie ? ». J’ai fini par redouter cette question, pourtant d’une banalité absolue.

Avant même de formuler ma réponse, je me prépare psychologiquement à contempler la réaction de mon interlocuteur.

« Je travaille en psychiatrie »

« … »

Cette expression. Un curieux mélange de peur et de gêne, s’accompagnant parfois même d’une pointe d’admiration.

Les réponses sont diverses, mais vous noterez leur ressemblance :

« Aaaaaah… et c’est pas dangereux ? », « Mais t’as pas peur ? », « Purée… moi j’oserai pas… ».

HP
Crédit image : https://www.lejdd.fr/

PSYCHIAQUOI ?

Alors, pourquoi ? Pourquoi en 2018, une grande partie de la population éprouve des sentiments allant de la simple gène à la peur viscérale à l’encontre de la psychiatrie ?

Je suis presque sûr que mes confrères exerçant en services de Neurologie, de Chirurgie Orthopédique ou de Cardiologie ne suscitent pas ce type de réactions à l’annonce de leur spécialité.

Pour essayer de comprendre d’où vient ce phénomène, essayons d’abord de nous entendre sur ce qu’est réellement la psychiatrie.

La psychiatrie est une spécialité médicale se consacrant exclusivement au diagnostic, au traitement, ainsi qu’à la prévention des maladies mentales.

Au même titre que toutes autres spécialités dans le domaine de la médecine elle est exercée par un médecin praticien spécialisé dans ce domaine, et par plusieurs collaborateurs comme l’ISP (Infirmier de Service Psychiatrique), le psychologue, ou tout autres thérapeutes (ergo, art etc…).

L’influence culture Pop : un moteur de peur

Mais s’il s’agit d’une spécialité comme une autre en médecine, pourquoi celle-ci nous effraie tant ?

On ne va pas se mentir, la psychiatrie a mauvaise presse. Les représentations transmises par les médias, la télévisions et le cinéma ont gravé une image très sombre de la psychiatrie dans la conscience collective.

Le patient de psychiatrie peut être le méchant parfait d’un film hollywoodien. Pour les scénaristes fainéants le calcul est rapide : « Prenons un malade mental, un schizophrène ou un psychopathe, donnons lui des hallucinations, faisons lui entendre des voix lui disant de tuer. Et voilà, on a notre méchant. »

Ce cas se retrouve dans tellement de films et de séries télévisées qu’il a fini par s’encrer profondément dans les consciences.

« Psychiatrie = danger ».

Le légendaire réalisateur Alfred Hitchcock avait déjà dressé un portrait similaire il y a plus de 50 ans dans son chef-d’oeuvre « Psycho » (Psychose en VF, 1960). Dans ce film, nous rencontrions un tueur en série, aujourd’hui entré dans la culture populaire, Norman Bates, atteint de TDI (troubles dissociatifs de l’identité), anciennement appelé « Double Personnalité ».

psychose
Crédit image : http://www.premiere.fr/Cinema/Alfred-Hitchcock-mais-qui-etait-sous-la-douche-de-Psychose

Pour faire simple, le bougre alternait entre plusieurs personnalités indépendantes les unes des autres, dont celle de… (spoiler) sa mère. Un cas de pathologie psychiatrique extrêmement rare, mais qui existe bel et bien.

La puissance d’influence des médias et du cinéma est telle, qu’elle a réussi l’exploit de faire passer le TDI pour une autre maladie bien plus connue : la Schizophrénie.

Les deux pathologies n’ont absolument rien à voir. C’est comme confondre une girafe et un poisson rouge.

Non, les schizophrènes n’ont pas de dédoublement de la personnalité. Désolé.

De plus, même si 90% des tueurs en séries au cinéma sont présentés comme d’anciens patients psychiatriques, il faut se remettre les chiffres réels en tête. Je m’excuse d’avance pour la destruction d’un mythe si tenace. L’HAS (Haute Autorité de Santé) ayant mené des dizaines d’études ces dernières années, nous informe que seulement 3% à 5% des actes violents sont commis par des personnes ayant des troubles psychiatriques.

Je vous renvoie au document officiel rédigé par l’HAS «Dangerosité psychiatrique : étude et évaluation des facteurs de risque de violence hétéro agressive chez les personnes ayant des troubles schizophréniques ou des troubles de l’humeur » qui nous affirme que « les personnes souffrants de troubles mentaux ne sont que très rarement impliquées dans une violence faite à des tiers », correspondant donc aux 3 à 5% cités plus tôt.

A contrario, ce même groupe de personne est lui-même 7 à 17 fois plus victime de violences que la population générale, selon ce même rapport de l’HAS (voir sources).

Dans le cas précis des homicides… les chiffres restent sensiblement les mêmes : seulement 1 homicide sur 20 perpétré par une personnes ayant des troubles psychiques.

Hollywood nous aurait donc menti ?

Et ne parlons pas de tous ces reportages sensationnalistes du type « Au coeur de… la psychiatrie », en immersion toute une semaine dans un établissement psychiatrique, qui nous diffuse 1h de situations conflictuelles entre les soignants et les patients de ces établissements.

Ils oublient par contre de mentionner qu’ils ont coupé au montage les 30 heures de pellicule « intéressantes » où tout se passe dans le calme. Les habitudes ont la vie dure…

psychiatre

La psychiatrie est là pour répondre à de vrais besoins…

La psychiatrie a toujours eu une place particulière dans la médecine moderne, les tréfonds de la psyché humaine étant très complexes à appréhender, même pour les spécialistes. Pour notre spécialité médicale, pas d’outil de mesures, de normes biologiques ou de système d’imagerie aidant à diagnostiquer les troubles.

Simplement des hommes travaillant en équipes. Mais si l’approche globale de la pathologie est différente par rapport aux autres spécialités, qu’en est-il des patients ? Sont-ils différents de leur homologues hospitalisés en cardiologie pour un trouble du rythme ? En vérité non.

Nos patients sont des pères et des mères de familles, des grand-parents, et des enfants. Ils ont tous un parcours et une histoire, bien souvent tragique. Ils méritent l’attention et le soutien de la société au même titre que toutes personnes hospitalisées. Car l’hospitalisation, comme la maladie, n’est jamais un choix.

===========

SOURCES